L’étonnante odyssée de Norberto
Nous nous étions donné rendez-vous dans un bistrot tranquille du vieux Rennes. J’allais enfin rencontrer le Norberto dont on m’avait beaucoup parlé : un des bénévoles de la bagagerie du Secours Catholique qui parle avec les élus locaux ! Je m’étais fait un petit cinéma sur ce Norberto avant de rencontrer ce grand colosse au sourire malicieux, jovial mais sérieux, humble mais débordant d’enthousiasme, angolais lusophone parlant un français presque parfait. Mais qui est ce Norberto ?
Norberto est né il y a 48 ans à Luanda, capitale de l’Angola. Il y a vécu toute son enfance et le début de sa vie d’adulte, avec ses sept frères et ses deux sœurs, en subissant les contraintes d’un pays en guerre civile pendant 27 ans (1975-2002) menée par le MPLA, (Mouvement populaire de libération de l’Angola), mouvement très autoritaire et oppressant : misère, précarité, pressions incessantes, emprisonnements arbitraires… Une vie pas facile qui s’est achevée en 2002 avec le renoncement à la lutte armée. Norberto a alors 26 ans et il est marié avec Indira.
Norberto a besoin de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille. Dès qu’il est en âge de travailler, il enchaîne les petits boulots. De 1998 à 2002 il travaille dans des compagnies pétrolières américaines avec l’avantage d’être payé en dollars alors que la monnaie locale n’a pas grande valeur. Ensuite, c’est la vie dans la jungle pendant un an à la recherche de diamants dont les rivières angolaises sont riches (4ème producteur mondial) avant de revenir travailler dans l’industrie pétrolière.
Norberto fait la connaissance d’Indira en 2016 mais tout n’est pas rose pour autant ! La municipalité de Luanda a besoin de terrains pour construire. Norberto et Indira se voient proposés de déménager à 44 km de la capitale, sans moyen de transport adapté à leur situation et avec des menaces à la clé. La vie devient trop difficile. Émerge alors la volonté de s’expatrier.
J’ai quitté l’Angola à cause de l’injustice sociale et des difficultés de la vie.
Norberto envoie sa famille (son épouse Indira et sa fille Clarisse) au Portugal en 2017, en espérant que ce ne soit qu’une étape, l’objectif étant Helsinki en Finlande. Helsinki s’avère être une destination impossible et surtout beaucoup trop chère. Un ami d’enfance de Norberto lui suggère de venir en France : c’est mieux ! Et voilà Indira et Clarisse à Nantes en 2018 où elles font une demande d’asile qui n’aboutira pas. Elles s’en vont ensuite à Angers. Pendant ce temps Norberto est resté au pays pour gagner un peu d’argent, en travaillant à nouveau pour des compagnies pétrolières mais finalement il rejoint sa famille à Angers, puis ce sera la Bretagne (dont ils n’avaient jamais entendu parler, contrairement à la « Grande-Bretagne » !) et Rennes où Norberto part en « éclaireur ».
Commence alors une vie difficile pour lui : dormir dans la rue n’a pu être évité. Finalement Norberto fait venir sa famille à Rennes avec comme logement une simple chambre proposée par l’association DiDa (D'Ici ou D'Ailleurs) qui crée du lien avec les personnes exilées présentes sur la région rennaise en proposant différentes activités. Puis ce sera un gymnase, l’hôtel, un squat et enfin un appartement géré par le 115 où Indira et Norberto vivent actuellement avec leurs trois enfants, Clarisse 12 ans née en Angola, Norberto junior 6 ans né à Nantes, Maria 4 ans née à Rennes.
Déboutés du droit d’asile par manque de preuves sur leur situation réelle en Angola, Norberto et Indira ont tout fait pour s’intégrer dans la vie rennaise. Ils ont fait le tour des associations dont DiDa et le Secours Catholique. Ils ont appris le français d’abord avec le Secours Catholique puis avec Langophonies, une association spécialisée dans l’apprentissage des langues.
Norberto est devenu bénévole au restaurant social « Le Fourneau » et à la bagagerie du Secours Catholique. Avec Indira, il participe autant que possible aux activités scolaires et périscolaires. Indira fait des tresses et participe une fois par mois à une émission de radio sur la gastronomie angolaise ; elle est aussi bénévole à la maison de retraite Saint-Cyr.
C’est très compliqué pour nous… On aime bien Rennes… Cela fait six ans que nous sommes ici… On veut faire notre rêve dans ce pays si merveilleux !
La vie reste difficile et Norberto enchaîne à nouveau les petits boulots, notamment dans la grande distribution. Son rêve : chauffeur de bus pour Breizh Go ou la STAR ! Mais voilà, il n’a pas pu obtenir de titre de séjour, seulement un récépissé qui régularise sa situation mais qui n’est pas suffisant pour avoir le droit de travailler.
Nous nous sommes quittés en ayant encore certainement beaucoup de choses à partager et à échanger. Pour ma part, je ne suis pas sûr d’avoir tout bien compris dans l’incroyable odyssée vécue par Norberto et sa famille, mais je suis témoin de sa volonté farouche d’offrir le meilleur pour sa famille et de s’intégrer au mieux dans notre société.
Obrigado Norberto e boa sorte para si e toda a sua família!
Norberto discute avec les élus
Dans le courant de l’année 2023, Norberto a eu l’occasion de rencontrer la députée Laurence Maillard-Méhaignerie et la sénatrice Françoise Gatel, de discuter de la loi asile et immigration qui était alors en cours d’élaboration. Ce fut pour lui l’occasion de parler des droits des migrants, des droits de l’homme et de s’inquiéter sur la manière dont cette loi serait appliquée. Norberto a pu expliquer son parcours et son incompréhension sur la difficulté pour obtenir un titre de séjour sans lequel il n’est pas possible de travailler (même dans un métier en tension comme chauffeur de bus), à son grand regret car lui et sa famille sont parfaitement intégrés comme le montre son engagement bénévole et celui d’Indira.