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Doubs

Un accompagnement fraternel des réfugiés ukrainiens

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Depuis le début de la guerre en Ukraine, le Secours Catholique est mobilisé afin de venir en aide aux populations sur place, en Ukraine et en Pologne. L’association est également engagée dans l’accueil des réfugiés ukrainiens en France, comme elle l’est auprès des autres exilés. Objectif : offrir un accompagnement fraternel aux familles et être un appui pour l’entraide citoyenne. Illustration à Besançon (Doubs).

« Les dames viennent, touchent les vêtements : c’est un geste banal et agréable, qui leur rappelle leur vie d’avant », relate Françoise, référente avec Marie-France du « dressing solidaire ». Ce dernier a été mis en place, fin mars, par le Secours Catholique, sur le site du foyer de la charité de la Roche d’Or, un lieu mis à disposition par le diocèse de Besançon répondant à l'appel de la Préfecture, afin d’y héberger des réfugiés arrivés d’Ukraine.

Parmi les premiers occupants de ce lieu d’hébergement, on compte surtout des femmes avec leurs enfants. Au dressing solidaire du Secours Catholique, elles trouvent de quoi renouveler leur garde-robe. Elles ont notamment besoin de chaussures, n’ayant pu emporter plusieurs paires avec elles.

« Quand elles passent, on leur propose de partager un café, une part de gâteau. C’est un moment que l’on veut convivial, raconte Françoise. On communique avec quelques mots d’anglais, quelques gestes, et on s’aide de Google translate ».

 

On essaie de rire avec les apprenants, pour que l’atmosphère soit moins lourde.

Renée, bénévole, professeur de français langue étrangère

Ce dressing fait partie de l’accompagnement fraternel proposé par le Secours Catholique de Besançon aux Ukrainiens arrivés dans la préfecture du Doubs et les communes environnantes. L’association a également renforcé son offre existante d’apprentissage du français, ouvrant des créneaux dédiés aux apprenants ukrainiens. Les ateliers se déroulent à la Roche d’Or mais aussi à "la Maison", le lieu d’accueil habituel du Secours Catholique bisontin.

« Comme aux autres exilés que nous accompagnons, nous essayons de leur enseigner des choses concrètes : ce qui va leur permettre de s’identifier, de décrire leur famille, leur travail, etc. », explique Renée, 79 ans, professeure de français langue étrangère à la retraite.

La bénévole dit avoir été touchée par une Ukrainienne d’une soixantaine d’années : « À la première séance, elle était très timide. Il faut dire que deux de ses filles et ses petits-enfants assistaient au même atelier. La séance d’après, elle était plus détendue, presque souriante. On voyait qu’elle avait retrouvé un peu de sérénité. » Renée ajoute : « On essaie de rire avec les apprenants, pour que l’atmosphère soit moins lourde. »

 

Les personnes sont très traumatisées. Beaucoup ont laissé des proches sur place, et se posent chaque jour la question de repartir.

Antoine Aumônier, délégué du Secours Catholique de Franche-Comté.

« Avec la mobilisation auprès des Ukrainiens, "la Maison" est devenue une vraie ruche », affirme Nicolas Oudot, animateur du Secours Catholique à Besançon. « Ce lieu permet aux familles ukrainiennes de se regrouper, de respirer un peu dans un endroit où l’on sait accueillir et prendre du temps avec les enfants. Les personnes sont très traumatisées, suspendues aux réseaux sociaux pour suivre la situation en Ukraine. Beaucoup ont laissé des proches sur place, et se posent chaque jour la question de repartir. »

inclusion sociale

Dans le Doubs comme ailleurs, le Secours Catholique agit en complémentarité avec les opérateurs professionnels, au sein du dispositif d’accueil mis en place par les pouvoirs publics. Après leur passage par un « sas » où ils font leur demande de protection temporaire, les réfugiés sont orientés vers les deux sites d’hébergement mis à disposition par le diocèse : la Roche-d’Or, donc, ainsi qu’un autre site, pour une capacité d’accueil totale de deux cent soixante places. Ils y bénéficient d’un accompagnement par les services sociaux de la préfecture.

Une équipe mobile du Secours Catholique y est présente, afin de répondre aux besoins complémentaires des personnes. Le cas échéant, elle fait le lien avec les bénévoles du dressing solidaire, de l’apprentissage du français et des différentes activités de : « la Maison ». Mi-avril, une quarantaine de familles (soit cent dix personnes) avaient par ailleurs reçu du Secours Catholique une aide financière, afin de pallier le délai entre l’obtention de l’allocation d’asile, et son versement effectif.

 

« Des gens sont prêts à faire du covoiturage, à accompagner les personnes dans leurs démarches, à aider à la scolarisation des enfants. »

Antoine Aumônier

Au-delà de ce dispositif d’urgence, le Secours Catholique entend aussi être partie prenante de l’ « après » : l’inclusion sociale des familles dans la région. Au bout de deux semaines en hébergement collectif, les familles sont en effet orientées vers des logements autonomes dans le département, mis à disposition par des mairies, des bailleurs sociaux ou des particuliers. D’autres réfugiés ont par ailleurs trouvé à se loger directement, sans passer par l’hébergement collectif.

Au sein d’une coordination diocésaine qui réunit l’Église protestante unie, le service de la Pastorale des migrants du diocèse et le Secours Catholique, ce dernier souhaite mobiliser et appuyer des collectifs citoyens autour des familles, dans les communes où elles sont logées : « Des gens sont prêts à faire du covoiturage, à accompagner les personnes dans leurs différentes démarches, à aider à la scolarisation des enfants, détaille Antoine Aumônier, délégué du Secours Catholique de Besançon. Notre rôle est de transmettre les informations – qui veut aider, comment, où ? - et d’épauler ces petits collectifs d’entraide locaux. » En la matière, le Secours Catholique peut s’appuyer sur sa belle expérience, vécue en 2015, d’accueil des réfugiés syriens.

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par Laurent Giovannoni, responsable du département accueil et droits des étrangers au Secours Catholique

« Nous nous réjouissons d’abord de l’élan de solidarité important qui s’est manifesté un peu partout en France. Le dispositif mis en place par les pouvoirs publics est certes un peu complexe, mais c’est parce qu’a été mise en œuvre pour la première fois une directive européenne jamais utilisée jusque-là. Elle prévoit un dispositif complètement inédit sur les plans juridique et social.
 
Cela posé, nous avons deux principaux points de plaidoyer. Premièrement, nous demandons qu’il y ait auprès de chaque Préfecture une réelle concertation entre l’ensemble des acteurs engagés dans l’accueil. Cette coordination est indispensable pour qu’une complémentarité se crée entre services de l’État, opérateurs professionnels de l’accueil, collectivités territoriales, et les réseaux associatifs et citoyens comme les nôtres. Il faut profiter de l’élan de solidarité qui s’est créé pour renouer, renforcer ou créer ces lieux de concertation et de coordination, au niveau départemental et local.
 
C’est cette coordination qui permet aux réseaux citoyens et bénévoles d’agir de la façon la plus pertinente possible, sans se substituer à l’État, mais en apportant du lien social, de la fraternité, un complément dans les aides, etc. C’est important, car l’hospitalité n’est pas qu’une affaire de technique. L’intégration sociale est essentielle, et ce sont les collectifs de citoyens qui la permettent. Cette inclusion est indispensable pour les personnes accueillies, mais aussi pour la société, car elle permet le changement de regard et l’ouverture à l’autre.

Nous craignons un "deux poids deux mesures"

Deuxièmement, beaucoup de dispositions favorables ont été mises en œuvre pour l’accueil des Ukrainiens. Cela montre que quand l’État veut, il peut accueillir dignement. Il faut s’en réjouir, mais en revanche, on ne peut pas se féliciter de l’écart grandissant entre les conditions offertes aux exilés ukrainiens, et celles offertes à d’autres exilés qui fuient des situations tout aussi catastrophiques, comme les Soudanais et les Afghans.
 
Les autres demandeurs d’asile malheureusement sont bien loin de disposer de la même dignité dans l’accueil. Élargissons donc les dispositions favorables offertes aux réfugiés ukrainiens à l’ensemble des personnes qui demandent l’asile, et qui ont tout autant besoin d’un accueil digne : hébergement systématique, droit au travail immédiat, facilitation pour obtenir rapidement une protection, une carte d’allocation, etc. Car nous craignons un "deux poids deux mesures" qui n’est pas conforme aux valeurs d’égalité, de fraternité et de justice que nous défendons. »
Auteur et crédits
Clarisse Briot Crédits photo : © Élodie Perriot / Secours Catholique